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Le blog de Philippe NAUDIN

Avis et analyses en matière de gestion de créances impayées, de rachat de créances, de procédures judiciaires et plus généralement sur l'actualité économique et judiciaire.

Le Tribunal de Commerce et le justiciable

La justice consulaire est-elle encore d’actualité ?


Attaquée par la gauche qui considère l’institution comme un bastion de droite, critiquée par les avocats qui la prennent pour ignorante du droit, désertée par les grands opérateurs qui jugent la procédure trop coûteuse au regard des chances de recouvrement de leurs créances, la justice consulaire souffre.

 

Est-elle pourtant si critiquable ?

 

Au strict plan de la qualité de son travail, la juridiction commerciale n’est pas celle qui pose les plus grandes questions. Les conseils des prud’hommes connaissent un taux d’infirmation de leurs décisions bien supérieur et une rapidité pour connaître les affaires bien moins flatteuses. D’essence paritaire,  nul ne songe pourtant à les critiquer.

 

Le pouvoir actuel, soucieux de faire des économies, ne renoncera pas à voir un pan entier de l’activité judiciaire assumé par des bénévoles et des sociétés privées (les greffes.)

 

Reste que pour assurer sa pérennité pour un siècle supplémentaire, notre justice commerciale sait devoir se réformer.

 

D’une justice « de copains et de notables », nos Tribunaux de Commerce doivent pouvoir incarner modernité, célérité et compétence.

 

Ils ne manquent pas d’atouts et plusieurs d’entre eux méritent d’être soulignés.

 

Au tableau d’excellence se trouvent les greffes.

Que ce soit dans la tenue du registre du commerce et des sociétés ou dans la gestion des procédures, les greffes commerciaux ont acquis une compétence qu’aucun service public ne prétend égaler. La mise en ligne quasi instantanée des informations, si le coût en est trop élevé est un service essentiel pour les entreprises. De même, la gestion numérique des procédures sera-t-elle bientôt une réalité.

Cette qualité de service doit permettre aux professionnels du chiffre et du droit, une économie de temps et une réduction sensible des risques.

 

Le greffe est un rouage essentiel du fonctionnement des juridictions et les juges professionnels sont bien les premiers à reconnaître l’avance acquise sur ce point.

 

Le juge enfin est un atout essentiel. Que le lecteur ne croit pas que je souhaite incarner la caricature de Daumier croquant Me Chapotard lisant l’éloge de Me Chapotard par lui-même.

 

Etant atypique puisque déjà juriste avant que d’arriver au Tribunal, je voudrais au contraire  rendre hommage à ceux qui ne le sont pas.

 

Hommes de bon sens et d’expérience, parfois issus des plus hautes responsabilités d’entreprises prestigieuses, ils sont capables de s’asseoir sur les bancs de l’école pour consacrer leur temps libre et parfois leur retraite entière au service des justiciables.

Quelle remise en question !

 

Notre droit commercial devient de plus en plus complexe. Certains domaines nécessitent une véritable expertise. Là ou le droit cambiaire était ardu, la concurrence déloyale, le droit international ou communautaire, le droit des nouvelles technologies apparaissent plus difficiles encore.

 

Dans ces matières, il faut une tête bien faite et une volonté d’apprendre.

Les juridictions consulaires en sont pourvues.

 

Les blocages sont ailleurs.

 

Le justiciable ne se conçoit plus comme ayant remis sa cause à l’arbitrage suprême de gens incritiquables. Le Président de la République leur en a d’ailleurs donné l’exemple rappelant indirectement que le pouvoir judiciaire est un mythe, le prince n’ayant en France jamais renoncé à exercer la justice.

Or avocats et juges semblent sourds à cette évolution de notre société.

Sans doute cela reste t-il sans conséquences pour l’essentiel du contentieux mais au Commerce nombre d’entreprises renoncent dorénavant à poursuivre leur débiteur, préférant perdre le bénéfice de la créance plutôt que de diligenter des frais qu’elles jugent inutiles.

Dans le monde des affaires les notions de coût et de délais sont incontournables.

 

C’est pourquoi un effort doit être entrepris pour se rapprocher du justiciable.

 

Je formerai donc trois propositions.

 

Le coût de la justice est modique pour la très grande majorité des affaires. C’est le coût des avocats qui ne l’est pas et c’est bien normal. Peut être faut-il que la décision prenne plus largement en compte les frais exposés par la partie dont la demande est accueillie.

Peut-être n’est-il simplement pas logique, pas équitable que celui dont la demande est bien-fondée ne soit pas intégralement indemnisé.

Une augmentation sensible des allocations de frais serait de nature à revaloriser le travail des conseils.

 

En ce qui concerne les délais, ils ne sont pas, du moins au commerce, le fait du Tribunal.

Les renvois insupportent les justiciables. Or ils ne sont ordonnés que parce qu’ils ont été demandés. Le temps est un ingrédient nécessaire à une saine justice. Il ne faut toutefois pas en abuser. Le Tribunal devrait donc se montrer plus ferme sur le respect des délais relatifs à la mise en état des affaires.

 

L’exécution des décisions est souvent mise en échec par une insolvabilité organisée. Le délit n’est pas constitué en matière contractuelle. 90 % des décisions commerciales sont de cette nature. Pourquoi interdire la voie pénale au créancier. Il conviendrait de supprimer 9 mots de l’article 314-7 du Code Pénal. La peine encourue (3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende) serait de nature à renforcer le respect des décisions rendues.

 

Voilà trois mesures simples. Elles ne nécessitent qu’une modification législative mineure. Il me semble pourtant intéressant de les envisager.

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