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Le blog de Philippe NAUDIN

Avis et analyses en matière de gestion de créances impayées, de rachat de créances, de procédures judiciaires et plus généralement sur l'actualité économique et judiciaire.

Le Juge et l'arbitre

En cette période ou l’arbitrage est très médiatiquement débattu, il est permis de s’interroger sur le sens de cette procédure singulière.

 

En substance, notre droit consacre le principe selon lequel les parties peuvent choisir leur juge et les modalités selon lesquelles elles entendent être jugées.

 

C’est ainsi qu’en certains cas, un juge dont l’incompétence ne serait pas soulevée par les parties pourra juger une affaire qui ne serait pas de son ressort.

 

De même, il peut être décidé de s’en remettre à un Tribunal arbitral.

Les arbitres jugeront en droit ou en amiables compositeurs (en équité) selon les règles que les parties auront choisies.

 

Dès lors que le recours à l’arbitrage est arrêté, le juge étatique est dépourvu de toute intervention sur l’affaire.

 

La jurisprudence de la Cour de cassation donne tous pouvoirs aux arbitres pour régler les difficultés qui surviendraient dans la mise en œuvre de la procédure.

 

A aucun moment, une partie ne peut retourner devant le juge étatique si l’autre partie n’y consent pas.

 

Les décisions arbitrales peuvent être susceptibles d’appel mais le plus souvent, elles sont rendues en premier et dernier ressort de sorte que la sentence est définitive.

 

C’est une procédure coûteuse car les honoraires des arbitres sont très élevés.

 

Elle a par contre l’intérêt d’être confidentielle.

Elle permet de laver son linge sale en famille.

 

Les chambres d’arbitrage regroupent parfois les principaux industriels du domaine concerné.

 

Cette solution ne choque guères les anglo-saxons.

 

Il semble qu’elle nous apparaisse plus contestable.

 

Dans l’affaire Tapie, la faute du Crédit Lyonnais aux droits duquel vient le CDR a été reconnue par le Tribunal de Commerce de Paris puis par la Cour d’appel. L’arrêt a été cassé par la Cour de Cassation mais le risque de voir une Cour de renvoi sanctionner de nouveau les agissements du Lyonnais était fort.

 

Si l’indemnisation de la liquidation judiciaire est donc logique, le chiffrage du préjudice moral laisse sans voix. Non en ce qu’il soit inconcevable que des chiffres importants viennent consacrer un tel préjudice, mais parce qu’ils constituent une première en France.

Par comparaison, les inculpés d’Outreau n’avaient eu droit qu’à 100.000 euros.

 

L’originalité de la situation tient au fait que cette décision provient d’une sentence arbitrale statuant non en équité mais en droit.

 

La formule d’arbitrage ne laissait en effet pas aux arbitres le loisir d’agir en amiables compositeurs. Ils étaient tenus par la règle de droit. Ils ont pourtant bousculé le principe selon lequel il appartient d’indemniser l’entier préjudice sans aller au-delà ou du moins l’appréciation qui en était faite jusqu’ici.

 

Les arbitres ont fixé le préjudice moral à une somme considérable.

 

Cette décision s’impose aux juges étatiques lesquels n’ont pas le pouvoir de la commenter de l’amender ou de l’infirmer.

 

Nous sommes face à un être hybride qui ne pourra procréer mais qui demeurera indestructible.

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